8
Juge, juré et bourreau
La fine couche de neige qui commençait à s’amasser dans les ruelles du district 375 craquait sous les pas de Joakìm. Il faisait froid, plus que les derniers jours, et seule la chaleur qui émanait du minuscule stand de nourriture à quelques mètres de lui et des autres lui permettait de se défendre face à la température négative des extérieurs. Le hot-dog et le cornet de frites qu’il tenait précieusement dans ses mains réchauffaient lentement le bout de ses doigts engourdis. Le pain n’était pas d’excellente qualité et la saucisse avait un léger arrière-gout d’huile, mais cela restait comestible ; et le tout pour un prix plus que correct. Il voulait manger un plat chaud depuis qu’il s’était levé et même si c’était chichement, son vœu avait été exaucé.
Le petit groupe se trouvait dans une zone résidentielle, implantée à une centaine de mètres de l’avenue principale. Des dizaines et dizaines d’immeubles de plus de trente étages se dressaient fièrement depuis les fondations en bitume du district, la crasse et les différentes installations électriques laissées à découvert aux yeux de tous par souci d’économie ; de longs et épais câbles noirs pendaient ici et là entre les habitations et peignaient, avec le reste, une image peu charmante et désirable du coin.
Joakìm prit une nouvelle bouchée de son hot-dog, tout en écoutant avec attention les échanges discrets de Zmitro, Miĥaela et Tadeo, qui communiquaient (grâce à son implant pour l’un, et des oreillettes pour les deux autres) avec Bazíl depuis quelques minutes déjà. Ce dernier avait insisté à prendre part aux ultimes recherches sur Kwen Kichu, depuis que Zmitro l’avait mis au courant par le biais d’un bref message. Un troc d’informations fut le résultat de seulement quelques minutes de discussion entre les quatre. Ce n’était pas leur première conversation du genre, cela se voyait.
— Il habite là-dedans, alors ? demanda Miĥaela, en pointant du menton l’immeuble face à eux.
— Apparemment, lui répondit Zmitro. Va savoir s’il est chez lui, par contre. Déjà, c’est sûr qu’il ne travaille pas. Plus, du moins. Il est très certainement dans le coin.
Joakìm avala rapidement la dernière bouchée de son hot-dog et entama son cornet de frites. Il jeta les emballages dans une poubelle à proximité quand son repas fut terminé. Puis il rejoignit le reste du groupe, les mains dans les poches de son sweat-shirt. Il prit la parole, une fois à leur hauteur.
— Et qu’est-ce qu’il va se passer, dès qu’on aura mis le grappin sur lui ? Vous comptez avertir l’IMS, comme pour Marko et sa bande ?
— Ce n’est pas aussi simple, malheureusement, commença Tadeo, après avoir désactivé son oreillette le temps de lui répondre.
Zmitro, à son tour, coupa la communication en profita pour tirer une longue bouffée de sa cigarette électronique. La vapeur rougeâtre faisait contraste parmi les flocons de neige. Une délicieuse odeur de fraise emplit les narines du jeune homme.
— Ils ne viendront pas pour une seule personne, surtout à son domicile. Ils ont besoin d’un vrai motif pour se déplacer jusqu’ici, dans les bas districts. Et les dossiers sans suite, ça ne les intéresse pas plus que ça.
— Ouais, voilà. Il se passe tellement de choses dans les alentours qu’il leur est impossible de sortir à chaque appel. D’où l’importance de la mafia pour les gens du coin, même si ça me fait chier de l’admettre.
Miĥaela but le restant d’une canette de thé chaud qu’elle avait acheté au stand. Puis elle la balança aussi dans la poubelle. Un geste précis, sans bavure.
— Les charmes atypiques d’une dystopie aux mécaniques bien huilées. (Elle expira bruyamment, avant de souffler dans ses mains.) Bon, merde, c’est pour aujourd’hui ou pour demain, Bazíl ? On se les caille, là !
Les oreillettes continuèrent de s’agiter, tandis que Miĥaela, Tadeo et Zmitro se mettaient d’accord avec une voix dont Joakìm ne pouvait que s’imaginer les paroles. Il attendait patiemment la délibération et scrutait les environs à la recherche d’une quelconque distraction.
Jamais il n’avait été question pour lui d’avoir un rôle important dans toute cette histoire et il se considérait chanceux de pouvoir se balader aux côtés du trio qui lui avait proposé, sans aucune demande ni contrepartie, de l’aider à résoudre le mystère qui avait manqué de peu de le transformer en une boule de haine assoiffée de sang ; une personne dont la conscience et les sens auraient été purement et simplement remplacés par des accès de folie meurtrière. Et rien que pour ça, il leur était reconnaissant. Le peu qu’il avait pu faire durant ces quelques jours avait eu un effet thérapeutique dont il n’aurait jamais soupçonné l’existence. Cela ne réglait pas tout, mais c’était un début.
Un taxi se posa lentement sur le toit d’un immeuble voisin, alors que Zmitro continuait d’énoncer des solutions afin de géolocaliser Kwen Kichu. Et finalement, il se mit d’accord avec son interlocuteur. De nouveau, Joakìm se tourna vers eux et tendit l’oreille.
— Eh bien, oui, essaye donc de le tracer via son téléphone ou son implant. T’as juste besoin de lui tenir la grappe pendant quelques secondes, non ?
— Cherche dans son historique, pour voir s’il achète beaucoup de produits d’une certaine marque, rajouta Tadeo. Fais-toi passer pour un démarcheur, ça fonctionne à tous les coups ce genre de truc. C’est comme ça que les gens se font piquer leurs données bancaires la plupart du temps, ici.
La proposition de Tadeo était étonnante et ne manquait pas de provoquer une certaine réaction chez Zmitro et Miĥaela, qui s’échangèrent un regard à la fois intrigué et préoccupé. Le premier se raclait la gorge, l’autre tenait ses mains sur ses hanches. Tadeo haussa un sourcil.
— Bah, quoi ?
— T’as pas fait ça, hein ? lui demanda-t-elle. Je savais qu’on avait récupéré un délinquant, mais quand même, enfin !
— Non, mais, ça va. C’était juste une fois. Rien qu’une fois. Je voulais m’acheter des nouveaux composants pour…
Joakìm ne put s’empêcher de glousser face à ce spectacle. Néanmoins, il avait la désagréable sensation que quelqu’un l’observait depuis quelques minutes, comme les trois quarts du temps où il se baladait dans les rues d’Europo. Et comme à son habitude, tout de même conscient que cette paranoïa allait de pair avec son anxiété, il décida d’examiner les alentours à la recherche d’une quelconque menace ou d’un harceleur aux attentions peu louables. Mais cette fois-ci, ses craintes infondées ne lui firent pas défaut : après quelques secondes à tourner sur lui-même et à lever la tête, ici et là, ses yeux se braquèrent sur une silhouette floue apparaissant à une fenêtre du septième étage de l’immeuble devant lequel ils se tenaient tous les quatre. Il pensait voir un homme, mais il n’en était pas entièrement certain.
Il fit volte-face et attira l’attention du trio, avant de chuchoter quelques mots.
— Quelqu’un nous observe depuis le septième étage.
— Pas de panique, mon grand. (Zmitro ne prit pas la peine de regarder lui-même. Peut-être n’accordait-il pas d’importance à un détail pareil.) C’est sûrement juste un curieux. Ou alors, notre homme est complètement parano.
— En tout cas, Marko n’a pas pu le mettre au courant sans son implant, leur rappela Miĥaela. Et puis, il a passé le reste de la nuit en garde à vue, normalement.
— D’accord. Désolé, je suis un peu à cran. Je n’aime pas vraiment le quartier, à vrai dire. Il donne l’impression qu’il s’y trame beaucoup de choses pas nettes.
Tadeo se racla la gorge, avant de se mettre à rire nerveusement.
— Ah, vraiment ?
Et l’échange reprit de plus belle. Au bout d’une minute, Zmitro désactiva le mode communication de son implant. Les deux autres retirèrent leur oreillette.
— Il est chez lui. Au septième étage.
Ils se retournèrent subitement vers la fenêtre dont parlait Joakìm, l’instant d’avant. La silhouette s’enfuit à ce moment-là, disparaissant de leur vue. Ce n’était pas une coïncidence. Miĥaela croisa les bras.
— C’est quand même très suspect, ça.
— Il va se barrer, non ? s’enquit Tadeo, d’une voix grave.
Sans attendre de directives, Miĥaela s’élança vers l’entrée de l’immeuble. Le reste du groupe lui emboîta le pas, Joakìm à l’arrière. La porte céda face à la force surhumaine que la rousse imposait à son système d’aimant et le mécanisme censés la maintenir en place une fois fermée. Et dans un grincement métallique, un chemin s’ouvrit à eux. Ils entrèrent tous les quatre et s’arrêtèrent dans ce qui ressemblait à un hall.
Le bâtiment était vétuste : le carrelage était noir de crasse à cause du passage, la poussière et de l’absence d’entretien, les murs parsemés de craquelures et le faux plafond marqué par des sombres taches suggéraient une possible fuite dans les conduites d’eau. L’entrée était trop chauffée et le système de ventilation renouvelait péniblement l’air en plus de produire un bruit sourd ; une personne de faible constitution pouvait facilement suffoquer en quelques heures, à respirer cet air chaud et vicié. Des effluves de nourriture provenaient des cuisines des étages supérieurs et s’échappaient jusqu’au rez-de-chaussée via les escaliers. À quelques mètres des premières marches de ce dernier, un autocollant témoignait du bon fonctionnement de l’ascenseur qui ne desservait très certainement qu’un niveau sur deux, comme à l’accoutumée.
Zmitro s’immobilisa face aux marches. Il plongea sa main à l’intérieur de sa veste et en sortit une arme de poing, sous le regard inquiet de Joakìm. Le leader du trio se racla la gorge, avant de se mettre à parler.
— Je veux que quelqu’un s’occupe de l’ascenseur. Les autres, les escaliers. Il ne doit surtout pas s’échapper.
— Il y a des escaliers de secours qui donnent sur l’arrière du bâtiment, leur indiqua rapidement Tadeo, alors qu’il se dirigeait vers les portes de l’ascenseur. Il faut passer par un des appartements, par contre.
— Je m’en occupe ! annonça Miĥaela, qui s’armait de la même manière.
Elle se précipita jusqu’au premier étage, grimpant les marches deux par deux. Zmitro vérifia le chargeur de son pistolet. Puis il adressa un signe de la tête à Joakìm.
— Reste près de moi, d’accord ? Nul besoin de se presser, il n’ira nulle part tant que quelqu’un lui barrera la route. T’es prêt ?
— Pas du tout.
Il afficha un sourire crispé et fut récompensé d’une tape sur l’épaule. Et sans perdre plus de temps, ils commencèrent eux aussi à gravir les marches en direction du septième étage. Il ne leur fallut qu’une poignée de secondes pour atterrir devant les premiers logements. De là, ils croisèrent à nouveau Miĥaela, qui tambourinait sur une porte, sa plaque militaire de l’IMS dans une main et son arme à feu Mankred cachée derrière son dos.
— IMS ! Ouvrez, c’est un ordre !
Une pauvre âme eut le malheur d’obéir à sa demande. Elle lui présenta sa planque et pénétra immédiatement dans l’appartement. Zmitro hocha la tête à plusieurs reprises, visiblement satisfait du résultat. Puis sans attendre, il continua d’arpenter les étages les séparant de leur cible.
Joakìm peinait à suivre la cadence, mais s’efforçait tout de même de tenir bon. Jamais, de toute sa vie, il n’aurait pensé mettre les pieds dans un endroit pareil ; il avait même parfois l’impression d’être sur une autre planète, tant l’ambiance des lieux lui paraissait différente de tout ce qu’il avait pu connaître jusque-là. Des vêtements mouillés étaient étendus entre deux points du palier d’un étage, sur un mince fil de fer qui semblait pouvoir céder à tout moment, mais qui, peut-être grâce à l’aide d’une force d’origine surnaturelle, continuait malgré tout à faire le travail qui lui incombait. Des enfants chichement habillés jouaient devant une rambarde, avec des petites voitures rouillées et des billes de verre colorées, complètement désintéressés par tout évènement extérieur à leurs passe-temps. De certaines portes laissées ouvertes par les locataires s’échappaient des bruits de casseroles et des conversations, parfois enflammées, parfois rythmées par quelques rires gras.
C’est ça, la vie dans les districts pauvres ? Une ventilation au rabais, un raffut incessant, des bouts de ficelles pour les gosses…
C’est donc vrai, ce que l’on dit… On se rend compte à quel point on est chanceux seulement quand on découvre le malheur des autres. Plus jamais je me plaindrai de mes volets électriques qui déconnent de temps en temps.
Un sans-abri niché contre la rambarde du troisième palier leur barra la route, leur interdisant l’accès aux escaliers. Ce dernier empestait l’alcool, l’urine et la saleté. Ses vêtements étaient en lambeaux et sa barbe n’avait pas été taillée depuis plusieurs mois, à vue de nez. Il leur demandait vaguement, entre deux hoquets, s’ils n’avaient pas une bouteille et de la ruĝo à lui céder. Zmitro lui ordonna gentiment de s’écarter, dans un premier temps. Puis il le bouscula, quand le vieil homme réitéra sa question d’un ton plus agressif, le faisant chuter. Celui-ci tenta de se relever, avant de vider le contenu de son estomac sur le sol. Joakìm décida de ne pas s’attarder plus longtemps sur son sort, dégoûté par l’ensemble de la scène, tandis que Zmitro repartait à la conquête de l’immeuble.
Ils croisèrent finalement le fuyard au quatrième étage. Eish, la trentaine, le regard fuyant, le visage pâle et complètement en sueur. Un sac à dos pendait sur l’une de ses épaules. Il avait quelques airs de famille avec Marko. Cela correspondait parfaitement à la personne qu’ils recherchaient. Zmitro le braqua sans plus attendre.
— Kwen Kichu ! Ne bouge pas !
L’homme tenta de parler, bredouillant quelques paroles sans réelle cohérence. Il y avait parfois de l’espéranto, parfois du eish. Puis, sans crier gare, il fit demi-tour et détala en direction des étages supérieurs. Zmitro cracha un juron, puis ils repartirent de plus belle. Joakìm se maudissait de ne pas être plus sportif.
Cinquième, sixième… Ils firent la rencontre de nouveaux enfants. Le jeune homme les chassa d’un mouvement de main et les prévint de la dangerosité de la situation, leur demandant de retourner auprès de leurs parents, à l’intérieur d’un des appartements. Une petite fille lui tira la langue. Il haussa les épaules, avant de finalement laisser tomber. Ses jambes hurlaient leur souffrance, mais ils avaient encore du chemin à parcourir.
Et après deux minutes d’ascension au total, ils foulèrent enfin le sol du septième étage. Kwen Kichu avait stoppé sa course en plein milieu du palier et regardait avec panique les escaliers montants qui se présentaient devant lui. Tadeo s’y tenait et lui barrait le passage. Il chercha à la hâte un plan de secours et il se précipita vers la première porte grande ouverte qu’il trouva. Tadeo le poursuivit et pénétra dans l’appartement en premier, suivi de près par Zmitro et son jeune acolyte qui ne manqua pas de remarquer que l’habitation portait le nom du fuyard. Il en déduit que, pris par le temps et complètement déboussolé par la situation, l’homme n’avait pas eu le réflexe de fermer derrière lui.
C’était un studio tout ce qu’il y avait de plus classique. Aucune séparation entre les pièces principales, une fenêtre placée stratégiquement, proche des meubles et appareils électroniques qui composaient la cuisine, deux autres de chaque côté de la chambre qui servait aussi de salon et une unique porte qui menait à la salle de bain assez grande pour accueillir une seule personne. Du côté de la décoration, rien n’indiquait que le eish y habitait depuis longtemps. Quelques calligraphies traditionnelles murales rappelaient ses attaches à Eishaya. Des odeurs d’encens et de cigarette flottaient dans l’air.
La fenêtre donnant sur l’escalier de secours était grande ouverte et Kwen Kichu se tenait déjà à l’extérieur. Mais alors que Tadeo tentait de partir à sa poursuite, Zmitro le retint dans sa course et lui demanda de rester à l’intérieur. Au même moment, de lourds bruits de pas accompagnés du grincement de la structure métallique qui formait le chemin d’évacuation d’urgence se firent entendre. Puis un cri de surprise. Et subitement, le fuyard se retrouva propulsé dans la pièce qu’il avait quittée quelques secondes plus tôt. Sa chute se termina près du plan de travail de l’espace cuisine. Il adopta une position fœtale, pris de panique. La course poursuite prit fin à ce moment-là. Miĥaela pénétrait à son tour dans l’appartement en passant elle aussi par la fenêtre. Un sourire sadique flottait sur ses lèvres, elle semblait assez fière d’avoir mis un terme à la fuite du frère de Marko.
Zmitro braqua de nouveau Kwen Kichu de son pistolet, alors que Tadeo l’obligeait à se relever. Avec l’aide de Joakìm, ils le firent s’asseoir sur le canapé dépliable qui devait servir de lit la nuit. Miĥaela en profita pour baisser les volets à proximité et éclairer la pièce.
— T’essayais de fuir, Kwen ? le questionna le leader, prenant place à côté de lui. T’as quelque chose à te reprocher, peut-être ?
— Arrêtez… s’il vous plaît…
Il actionna la glissière de son arme à feu, dans le but de l’intimider. Une cartouche non utilisée s’éjecta. Il l’attrapa au vol et l’abandonna dans l’une de ses poches. Le eish sursauta et se mit à murmurer quelque chose dans sa langue maternelle. Joakìm n’en comprenait pas une bribe et il se dit que c’était très certainement pareil pour les autres. Même avec un traducteur instantané, cela aurait été compliqué d’en tirer quoi que ce soit.
Tadeo laissait apparaître sa perplexité.
— On est bien sûr que c’est lui, hein ?
— Septième étage, appartement G, lui confirma la vétérane qui en profitait pour verrouiller la porte d’entrée. Affirmatif, c’est bien lui.
— Kwen, espéranto ! (Zmitro agita son arme de poing sous son nez.) Eh, oh !
Il n’en tira aucune réaction. Le eish se tenait les genoux et se penchait lentement d’avant en arrière, en continuant de suer abondamment. Quelque chose n’allait pas. Joakìm se sentait mal à l’aise, rien qu’à le regarder. Il se racla la gorge et décida de prendre la parole.
— Il a l’air vraiment bizarre. Il se drogue, comme son frère ?
— Ouais, c’est étrange, souffla Zmitro. Comme si…
Il marqua une pause. Puis il fit signe à Miĥaela, qui vint s’agenouiller à côté de lui. Tous deux rangèrent leur arme.
— Donne-moi l’appareil à flux, s’il te plaît.
Elle hocha la tête, fouilla dans sa sacoche et lui tendit l’instrument de mesure. À deux, ils y insérèrent l’index de Kwen Kichu qui résistait autant qu’il pouvait. Après un court instant, plusieurs bips retentirent à travers la pièce et des chiffres s’affichèrent sur le minuscule écran de l’appareil de poche. Cela faisait approximativement dix jours qu’il n’avait pas donné son flux à une machine. Zmitro soupira, exaspéré.
— Et ceci explique cela. Quelqu’un n’a pas fait ses devoirs, on dirait.
Joakìm avait déjà deviné la suite.
— Mais… comment on va faire pour le faire avouer, dans cet état ? demanda-t-il.
— On ne peut pas, tout simplement, répondit Miĥaela d’un ton neutre. Il faut l’emmener d’urgence à une machine à flux, avant qu’il ne pète complètement un câble et blesse quelqu’un, voire pire.
Le jeune homme se mordit la lèvre. Puis il fixa son regard sur Kwen. Il se planta devant lui et tenta d’attirer son attention par quelques gestes et monosyllabes. Tadeo essaya de s’interposer, avant de finalement rebrousser chemin à la suite d’un court échange avec Zmitro.
— Est-ce que vous parlez l’espéranto ? Vous comprenez ce que je suis en train de dire, n’est-ce pas ?
Le eish hocha la tête à plusieurs reprises. Il continuait de gémir, comme s’il quelque chose lui faisait mal. Il plaquait de temps à autre une main sur ses tempes.
— Répondez à mes questions, alors. (Il marqua une pause, le temps de l’observer.) J’ai une vidéo qui montre que vous avez probablement tué une femme, il y a dix mois de ça. C’est… bien vous, n’est-ce pas ?
— Non, non…
Il ment.
— Vous étiez sur le point de lui vendre de la drogue. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
— C’est pas… moi… Pas moi. Pasmoipasmoipasmoi !
Mets-lui la pression. Tire-lui les vers du nez !
Joakìm sentait la colère monter, comme pendant l’interrogatoire de Marko la veille. Ses inspirations se faisaient plus prononcées et son cœur brûlait au fond de sa poitrine. Il basait son ressentiment sur une vidéo tronquée et qui n’évoquait pas réellement la culpabilité de l’homme face à lui ; il savait même que c’était mal de penser ainsi. Mais il s’en fichait. Il éprouvait le besoin de trouver un responsable et la conclusion qui s’imposait à lui ne lui plaisait en aucun cas.
Subitement, il l’agrippa par le col de sa chemise. Puis il haussa le ton.
— Je l’ai retrouvé dans une poubelle ! Vous l’avez buté, bordel ! Avouez. Vous l’avez tué, tout ça à cause d’une histoire d’argent ! Espèce de…
— Stop ! Ma tête, j’ai mal, s’il vous plaît… !
— Je m’en fiche. Avouez ! Avouez, putain !
— D’accord, ça suffit. Arrête. (Zmitro les sépara, joignant le geste à la parole. Miĥaela passa ses bras autour du jeune homme, comme dans une étreinte, mais qui avait surtout l’effet d’une entrave. Elle n’avait visiblement pas envie de lui faire du mal.) Joakìm, ça ne sert à rien. Tu n’arrangeras rien du tout de cette manière.
— Il est responsable… Tout ça, c’est de sa faute ! Lâche-moi !
— Miĥaela, endors le gars, s’il te plaît. On l’emmène à la clinique la plus proche.
Elle acquiesça d’un hochement de tête et confia Joakìm aux bons soins de Tadeo et Zmitro. Puis elle fouilla de nouveau dans sa panoplie de gadgets, afin d’en sortir un nouvel outil. Elle présenta une sorte d’injecteur à Kwen Kichu.
Tadeo obtint l’attention de Joakìm en claquant des doigts. Ce dernier jugea à son regard qu’il ne cherchait qu’à l’apaiser. Il se sentait honteux. Mais son flux, tel un petit diable sur son épaule, continuait à lui suggérer la marche à suivre et à lui remplir la tête de mauvaises intentions. Il ne l’aurait pas avoué sur l’instant, mais l’écart qui commençait à se creuser entre ce qu’il désirait et ce qu’il se voyait faire lui faisait réellement peur. Et cela ne semblait être que le début d’un long chemin sinueux.
— Calme-toi, s’il te plaît. C’est juste l’affaire d’une heure ou deux, le temps qu’il retrouve ses esprits et…
— Je n’ai pas envie de rendre service à un criminel. Il n’a accordé aucune clémence à Ana, pourquoi est-ce que l’on devrait…
— Je comprends ce que tu ressens et t’as parfaitement le droit d’être en colère, le coupa Zmitro. Mais malheureusement, nous n’avons pas le choix. Il peut devenir réellement imprévisible et dangereux, tu sais ? Même pour des personnes comme nous. Et puis, c’est aussi notre rôle à nous trois. On doit s’en occuper.
Joakìm soupira puis croisa les bras. Il n’avait pas la force de le regarder droit dans les yeux, ainsi décida-t-il de se concentrer sur un coin quelconque de la pièce. La culpabilité commençait à le ronger.
— Plus vite ce sera fait, plus vite il parlera, continua Tadeo. On s’en charge, ne t’inquiète pas.
— D’accord. (Le jeune homme marqua une pause.) Je… je sors quelques secondes prendre l’air. Je suis sur le palier, si vous me cherchez.
Puis il s’éloigna du groupe, se dirigeant vers de la porte. Derrière lui, Miĥaela commençait à perdre patience face à leur nouveau fardeau qui n’avait pas l’intention de se laisser faire.
— Enfin, arrête, c’est pour ton bien. Ne me force pas à t’en coller une, Kwen !
Il se demandait si cette ambiance morose et cette violence quasi permanente n’étaient pas en train de l’affecter psychologiquement. Il avait parfaitement compris ce que Tadeo lui avait expliqué la veille. Malgré tout, cela restait un changement plus que radical à ses yeux. Si les premiers jours de l’influence de son flux ressemblaient à ça, il n’avait pas envie de s’imaginer la suite.
Il secoua lentement sa tête afin de chasser ses pensées et d’éviter de tomber dans le cercle vicieux de l’anxiété qu’il connaissait si bien. Et dans un même temps, il déverrouilla et ouvrit la porte.
Joakìm était attendu. Un homme se tenait sur le paillasson, les mains dans les poches.
Il aurait reconnu ce genre de personne entre mille. L’inconnu portait un costume deux pièces noir et blanc ajusté sur mesure et une cravate rouge flamboyante rendait parfaite cette tenue destinée à une classe sociale bien particulière. Des boutons de manchettes en or et un parfum subtil qui ne valait certainement pas son prix exorbitant accompagnaient le tout. Ses cheveux blonds, coiffés en une raie sur le côté, adoptaient à la perfection les tendances dictées par le mannequinat masculin des quelques dernières années. Et son visage…
Son visage était lisse, inexistant. Seuls son rasage de près et la forme de son nez pouvaient donner un indice concernant la réelle présence d’un humain derrière cette façade fantasmagorique. C’était, très certainement, le résultat d’un implant high-tech ou d’un équipement illégal que les personnes de son rang avaient le droit de posséder sans en subir les conséquences.
L’homme lui intima le silence en portant un index à sa bouche qui brillait par son absence. Joakìm remarqua à ce moment-là que ses mains, et peut-être même ses membres supérieurs, étaient entièrement remplacés par de magnifiques prothèses bioniques dont les parties en acier étaient recouvertes par des morceaux de peau synthétique, à la pigmentation assez claire et identique à la sienne, dans le but de tromper l’œil. Sans crier gare, l’inconnu augmenté l’attira à lui, se glissa dans son dos et plaça un bras autour de son cou. Un appel à l’aide se coinça au fond de sa gorge lorsqu’il sentit le canon d’une arme à feu se poser sur sa tempe. Il déglutit et se mit à trembler. L’autre souffla du nez et étouffa un rire, puis se contenta de marcher lentement vers le salon. Des bruits de course résonnèrent dans le couloir de l’étage.
Il se campa à la hauteur du trio qui se retourna dans un moment de panique, pris de surprise. Une boule d’angoisse commençait à se former dans la gorge du jeune homme, ses mains devenaient moites et sa respiration saccadée. Il tenta de se débattre, mais reçut un coup de crosse en guise d’avertissement. Après quelques secondes de silence glacial, alors que quatre autres intrus armés de fusils d’assaut pénétraient dans l’appartement, le sans visage se mit à parler.
— Bien le bonjour, messieurs-dames. Auriez-vous l’extrême obligeance de relâcher monsieur Kichu ici présent ?
Les soldats étaient affiliés à une société militaire privée dont ils arboraient fièrement le logo sur leur plastron pare-balles sombre. Ils portaient des cagoules noires et une pléthore d’équipements pendait à leur ceinture. Contrairement aux agents de l’unité militaire de l’IMS, ceux-ci s’apparentaient à des mercenaires des temps modernes, dont les passions se limitaient aux armes à feu et l’appât du gain ; des vétérans sauvages constamment à la recherche de sensations fortes et d’effusions sanguines depuis leur retour du nouveau continent.
Sans attendre d’ordre de la part de l’homme masqué, ils tinrent en joue le trio. Zmitro tenta malgré tout d’échafauder un plan dans la hâte.
— Tadeo, désarme…
— Ne bougez ne serait-ce que d’un centimètre et je remplis la tête de ce jeune homme de plombs, le coupa le sans visage d’un ton sec. C’est bien clair ?
Miĥaela restait impassible face aux menaces du nouvel arrivant. Elle renforça son emprise sur Kwen Kichu.
— Relâchez-le, maintenant, insista-t-il de nouveau.
— Seulement si…
— Écoutez, mademoiselle, je crois que vous m’avez mal compris. Je ne suis pas là pour négocier. (Il actionna le chien de son arme, ce qui fit sursauter Joakìm. Une larme coula le long de sa joue entre deux bruyantes inspirations.) Je parle bien l’espéranto, non ? Laisse-le partir ou je repeins les murs avec la cervelle de votre petit pote !
— Fais ce qu’il dit, lui ordonna finalement Zmitro, sans détourner le regard du groupe de soudards. Ça ne vaut pas le coup.
Dans un grognement, elle aida Kwen Kichu à se remettre sur pieds. Puis elle le poussa dans la direction des hommes armés. Le eish trébucha et manqua de chuter, mais il se rattrapa en s’accrochant à l’un des soldats. Puis sans attendre, il prit ses jambes à son cou et quitta les lieux. Il accompagna sa fuite d’un hurlement de terreur, tel un pieux personnage qui aurait enfin rencontré le diable en chair et en os, ce qui provoqua l’hilarité parmi les rangs du corporate. L’un des quatre mercenaires partit néanmoins à sa poursuite, après en avoir reçu l’ordre.
— Eh bien, voilà. (Il asséna quelques petites claques sur le visage de Joakìm, de sa main libre.) Ce n’était pas bien compliqué, si ?
Aucune réponse de la part de ses interlocuteurs. Il poussa un long soupir.
— Je vois. Discutons d’autre chose, dans ce cas. De la situation dans laquelle vous vous êtes mis à vouloir fourrer votre nez dans les affaires d’autrui, par exemple. Ça vous parle, peut-être ? (Il baissa les yeux vers Joakìm, qui se contenta de garder le silence, complètement terrorisé. Il était en plein blocage.) Non, vraiment ? Parce que je suis quasiment sûr d’avoir face à moi un groupe de petits curieux qui aurait mieux fait de rester chez eux, le jour où ils ont décidé pour je ne sais quelle raison de déterrer une histoire vieille de plus de dix mois. Je veux dire, sincèrement, qu’est-ce que ça peut vous foutre qu’une pauvre cruche soit morte ? Ce n’est pas ça qui m’empêche de dormir la nuit. Et pourtant, le Seigneur sait que ça nous concerne, moi et ce cher Kwen. Alors oui, d’accord, peut-être était-il au mauvais endroit au mauvais moment, peut-être aurai-je pu aussi ne pas l’impliquer et lui demander d’oublier tout ça, mais ça ne change rien. Il était présent ce soir-là, donc ça le concerne, qu’il le veuille ou non. Contrairement à vous, j’aimerais me répéter. Vraiment, qu’avez-vous à tirer de tout ça, hein ? Expliquez-moi, enfin !
Il posa sa tête sur l’épaule de Joakìm, puis décida de se curer les dents, qui se dissocièrent de son masque d’anonymat le temps de l’interruption, apparaissant à la vue de tout le monde. Puis sans attendre de réponse, il continua son monologue.
— Cette catin était une disgrâce, que dis-je, une traîtresse à son rang. S’émanciper, sans réflexion aucune, dans le but de désobéir aux souhaits de sa famille et d’habiter dans des districts inférieurs… Et dire qu’elle a presque réussi à vivre correctement pendant presque deux ans dans ce trou à rat ! Comment une personne saine d’esprit peut-elle abandonner du jour au lendemain les avantages et la promesse d’un avenir radieux dont jouit chaque citoyen de nos merveilleux districts ? Je ne comprends vraiment pas ! Nous et nos semblables contrôlons le monde, bordel, enfin ! Elle avait tout à perdre ! J’en connais plus d’un qui vendrait son âme pour obtenir un aller simple ne serait-ce que dans le 310.
Le ton cinglant qu’il employait en disait long sur la haine qu’il arborait à l’encontre d’Ana. N’importe qui, avec un tant soit peu de jugeote, aurait vite compris que les deux avaient un passif en commun.
Il agita son arme de poing comme s’il s’agissait d’une baguette magique. Parfois dans la direction de Zmitro, puis dans celle de Tadeo, avant de finalement revenir à Joakìm.
— Bref, je tergiverse. Laissons le passé là où il se trouve et concentrons-nous sur le présent, voulez-vous ? D’ailleurs, j’ai une question pour vous : qu’est-ce qu’on fait, maintenant ? Des suggestions ? Je vous écoute, ne soyez pas timides, s’il vous plaît.
— Vous pourriez nous rendre notre ami, avant qu’il ne lui arrive quelque chose de grave, lui proposa calmement Zmitro, qui semblait choisir chacun de ses mots avec la plus grande précaution. Regardez dans quel état il est, est-ce que ça vaut vraiment le coup ?
— Non, non ! Pas comme ça, enfin ! Je fais face à un dilemme, voyez-vous. Je sais que, à partir du moment où je vais vous laisser filer, vous allez revenir à la charge et fouiner à nouveau dans toute cette affaire. Je ne peux tout simplement pas me permettre de faire ça. Donc… je pensais plutôt à… (Il fit mine de réfléchir, l’espace d’un instant. Puis il claqua des doigts.) Mais oui ! Une punition, un avertissement ! Voilà. Dites voir, lequel de vous quatre est à l’origine de cette chasse aux sorcières ?
— Moi, s’écria Miĥaela, sans aucune hésitation, le regard empli de détermination, comme pleinement convaincue par son mensonge. C’est moi.
L’imitation d’un bruit d’avertisseur sonore, le même qui serait utilisé dans les jeux télévisés qui passaient régulièrement sur les chaînes nationales, résonna douloureusement dans l’oreille de Joakìm, avant de se propager dans toute la pièce. Ce n’était pas la réponse qu’attendait le sans visage.
— Ce sens du sacrifice m’émeut au plus haut point, mademoiselle. De l’héroïsme comme nous n’en faisons plus aujourd’hui ! Mais malheureusement, quelque chose me dit que ce n’est pas vraiment vous qui avez amorcé ce mouvement. Personnellement, je pense que ce jeune homme y est pour quelque chose. Corrigez-moi si…
Subitement, Joakìm asséna un coup de tête dans le torse de son ravisseur, en la balançant sèchement en arrière ; il avait eu la soudaine réalisation qu’il allait mourir sous peu et son instinct de survie avait pris le dessus sur sa raison gangrenée par la peur. Le corporate lâcha un grognement agacé. Il recommença, mais cette fois-ci en frappant dans la pomme d’Adam. Il se retrouva libre l’espace d’un instant et maladroitement, il en profita pour agripper de toutes ses forces la main qui tenait l’arme à feu. Vainement, il tenta de se l’approprier. L’homme laissa s’échapper un long grognement, une fois remis de ses émotions.
— Oh, et puis merde.
Il lâcha le pistolet et la manche de son autre bras se déchira dans un subtil chuintement métallique. Et dans un mouvement éclair, il frappa le vide.
À ce moment précis, le chaos s’installa et se déchaîna dans le minuscule appartement de Kwen Kichu.
Une gerbe de sang éclata, recouvrant les murs proches ainsi que le costume deux-pièces du sans visage. Joakìm s’écroula et poussa un cri de douleur, tout en se tenant le bras droit ou du moins ce qu’il en restait. Son membre, inerte, gisait sur le sol tel un mollusque sans vie ; un véritable travail de boucher. Une flaque écarlate commençait à se former sur le faux parquet du salon. Tadeo hurlait à pleins poumons, tout comme Miĥaela. Ils semblaient tous deux possédés par une rage profuse qui tranchait totalement avec le calme dont ils faisaient preuve jusque-là. Un conflit s’engagea entre les trois soldats et les compagnons d’infortune du jeune homme. Il entendait les coups qui se portaient aux visages, le choc des armes balancées contre les meubles de la pièce et les effusions de sang qui venaient rejoindre le trop-plein qui avait déjà coulé.
Il roula sur le côté afin de s’éloigner du combat. Sa vie s’échappait par son artère humérale désormais à nue, qui pompait et recrachait une dose alarmante du liquide rouge. À chaque battement de son cœur, il ressentait une douleur insupportable qui lui irradiait l’épaule. De plus, sa vision se troublait de plus en plus au fil des secondes. De là où il se trouvait, il aperçut la chose qui avait sectionné son bras sans aucun effort : une longue lame rétractable, aiguisée et tranchante comme un rasoir, qui prenait son origine dans l’appareillage métallique qui remplaçait le membre supérieur de l’assassin d’Ana. C’était de l’équipement militaire, il en était presque certain, même si la marque lui échappait totalement.
L’homme s’agenouilla face à lui et pointa la lame en direction de son visage. N’ayant pas la force de lutter, Joakìm se contenta de respirer bruyamment et tenir fermement son épaule. Une balle siffla à quelques centimètres d’eux. Son agresseur se releva subitement et passa la porte d’entrée, quittant les lieux comme l’avait fait le eish à peine deux minutes plus tôt.
Les oreilles de Joakìm bourdonnaient, à cause de la précédente détonation qui lui semblait encore résonner dans tout l’appartement. Il avait froid. De nouveau, une voix féminine lui parvint depuis l’autre bout du studio. Il crut reconnaître son prénom entre deux longs acouphènes. Une paire de bras le souleva. Un fusil semi-automatique percuta le sol et une seconde silhouette les rejoignit. Quelque chose s’inséra dans son épaule. Cela ressemblait étrangement à l’aiguille d’un injecteur à usage médical. Puis la personne qui le portait se mit en mouvement.
Il perdit connaissance à l’arrivée de l’ascenseur.